JMLLORENS - Extrait

Parfois, le monde scientifique s’accom-mode mal, d’un esprit pur et incorruptible. Dans le cas de Denis Richaud cette quali-té, poussée à son extrême, devenait un défaut. Cela l’avait pourtant sauvé en début de carrière. Il avait fait sa thèse dans un laboratoire de la police scientifique et il était promis à une carrière brillante dans cette institution.
Malheureusement, à la suite d’un meurtre sordide dans les milieux de la drogue, les membres de son groupe avaient été mouillés dans une affaire de corruption et de faux papiers. Des sommes importantes et de la drogue avaient disparu. Son caractère incorruptible avait été démontré. Il avait été blanchi. Cependant cela ne s’était jamais transformé en embauche ferme et définitive. Il ne s’en était jamais vraiment remis.
Quand l’équipe de Jérôme avait commencé les travaux sur les nouvelles molécules à effets neurologiques contre la maladie de Parkinson et Alzheimer, il y a presque vingt ans, Denis s’était présenté. Son parcours et ses compétences ont tout de suite convaincu les collègues de ce que pouvait apporter ce chercheur hors normes.C’était sans compter sans son fichu caractère !

Extrait n°1

Les premières années avaient très fructueuses pour les chercheurs de l’unité, beaucoup de pu-blications étaient acceptées sans révisions.
Cette reconnaissance rare, due à la fiabilité des résultats, émanait du travail de Denis. Une vingtaine de brevets sur des molécules à haut potentiel avaient été déposés, Denis ayant l’ins-tinct de détecter quelle modification de struc-ture moléculaire pouvait apporter une valeur ajoutée. Cette qualité indéniable était appréciée des laboratoires pharmaceutiques commandi-taires des travaux de recherche du laboratoire. Quand les essais se sont orientés vers le programme LDP « Limitation De Parkinson », les choses se sont gâtées. Les réserves que portait systématiquement Denis, quant à la fiabilité des premiers résultats, commencèrent à irriter les entreprises pharmaceutiques impliquées financièrement.
Il s’était tellement approprié les enjeux de ces molécules pour les malades, qu’il tenait à ce que les résultats soient parfaits. Les enjeux de santé publique étaient primordiaux. Il n’était pas question de reproduire des problèmes de santé publique comme avec le Médiator.
La plupart du temps, ses réserves scientifiques étaient justifiées et les membres du comité de pilotage ne pouvaient que souscrire aux retards qu’elles engendraient. Mais, un jour, un tableau de données incomplet a induit une erreur de la part de Denis. Des mesures complexes et coûteuses avaient été faites pour rien. Les conséquences financières ont été désastreuses.
Denis avait eu du mal à admettre son erreur, estimant qu’avec les résultats dont il disposait ses réserves étaient justifiées.

“Le programme avait donc pris du retard et les pertes en termes de délais de commercialisa-tion et de communication se comptaient en centaines de milliers d’euros ...”



Extrait n°2

À la lecture des graphes des derniers résultats du 286ème lot de rats ayant reçu les doses crois-santes de LDP, le visage d’Andrew Bedford s’éclaira d’un sourire satisfait.
Cette molécule avait montré des vertus promet-teuses dans la stimulation des neurones. Les es-poirs de faire régresser la maladie d’Alzheimer et surtout celle de Parkinson étaient confirmés. Le seul problème était les effets secondaires. Dans les huit jours suivant les injections, les rats mourraient tous de crises cardiaques.
Aujourd’hui, pour la première fois la série des rats du lot 286 résistait depuis plus de quinze jours.
Il tria les derniers graphes sur son bureau. Sa table de travail n’était pas un modèle de ran-gement. Les piles de livres le disputaient aux papiers administratifs.
Malgré le désordre apparent, il n’eut aucune difficulté à rassembler les documents les plus probants à montrer à Jérôme de la Varennes le responsable du projet. Il prit aussi le disque dur sur lequel étaient consignés les enregistrements vidéo du comportement des animaux.
Il avait une surprise pour son chef !
Comme tous les chercheurs fraîchement nom-més, il avait hérité d’un des petits bureaux dans l’aile sud du bâtiment, la plus récemment construite.
Il avait vérifié plusieurs fois les résultats sur les deux écrans de son ordinateur avant de com-prendre qu’ils arrivaient à la fin des problèmes de mortalité des lots de rats. Seules les doses considérées comme létales avaient modifié la composition sanguine des animaux. Cependant aucun rat n’était mort, quel que soit le niveau du traitement testé.
Enfin, après plus de deux ans de recherche sur les raisons de la toxicité de cette molécule, l’équipe voyait ses efforts récompensés.
La molécule était efficace pour régénérer les neurones atteints, faisait régresser les symptômes de Parkinson et, surtout, elle n’était plus toxique !

“Cependant, des résultats plus surprenants concernaient la communication entre les rats...”